De quoi s’agit-il ?
Selon différentes enquêtes, les salariés, et tout particulièrement les cadres, consulteraient plus d’une trentaine de fois leur mobile par jour et le temps passé derrière les écrans pour lire ou répondre aux emails dépasserait 4 heures par jour. Certains avouent échanger professionnellement par mails en soirée, le weekend et même la nuit ! Ces comportements, essentiellement subis du fait de la pression sur les résultats, peuvent être considérés comme additifs. Ils sont sont frequemment la résultante de pratiques d’entreprises inappropriées, génératrices de stress et révélatrices d’un manque de considération pour la vie privée d’autrui. Après plusieurs décisions judiciaires favorables reconnaissant le bien fondé d’un droit à la déconnexion des salariés (notamment un arrêt de la Cour de Cassation en 2014) ; le législateur a consacré ce droit par la Loi El Khomri le 8 aout 2016 prolongé par l’article L 2242-17 du Code du travail applicable depuis le 1er janvier 2017.
Que disent les textes ?
L’objectif est de permettre aux salariés de concilier vie personnelle et vie professionnelle, tout en luttant contre les risques de burn-out. Pour cela, ils doivent avoir la possibilité de ne pas se connecter aux outils numériques et de ne pas être contacté par leur employeur en dehors de leur temps de travail (congés payés, jours de RTT, week-end, soirées…). Ce droit à la déconnexion qui a pour objet « d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale » concerne tous les salariés, principalement ceux qui ont opté pour le télétravail ou qui bénéficient du statut cadre.
L’article L 2242-17 prévoit
- un thème de travail des accords d’entreprise Depuis le 1er janvier 2017, le droit à la déconnexion fait partie des sujets à aborder lors de la NAO (négociation annuelle obligatoire) sur la qualité de vie au travail en vue d’un accord. La négociation annuelle porte ainsi sur « les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale ». A défaut d’un accord
- une charte définissant les modalités d’exercice du droit à la déconnexion et prévoyant les actions de formation et de sensibilisation à « un usage raisonnable » des outils numériques. Cette charte est élaborée par l’employeur « après avis du Comité social et économique ou à défaut des délégués du personnel. Cette charte définit les modalités d’exercice du droit à la déconnexion et prévoit, en outre, la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques ».
Qui est concerné ?
Les textes ont, pour le moment, écarté les entreprises de moins de 50 salariés de cette obligation de négocier mais elle ne les a pas dispensé de l’obligation d’établir une charte.
Dans le cadre du plan de développement des compétences, pour ces TPE – PME, le remboursement des frais afférents à la formation peuvent être demandés à l’OPCO.
Les entreprises relevant de la branche du SYNTEC ont signé le 1er avril 2014, un accord de branche de la convention collective Syntec qui complète un précédent accord du 19 février 2013 relatif à la santé et aux risques psychosociaux. Cet accord définit notamment les obligations suivantes :
- L’obligation de respecter les durées minimales de repos et l’instauration d’une obligation de déconnexion des outils de communication à distance.
- L’obligation de garantir une amplitude des journées travaillées et une charge de travail des salariés en forfaits jours raisonnables, assurant une bonne répartition dans le temps du travail des intéressés.
- Un suivi encadré de la charge de travail et de l’amplitude des journées de travail permettant de garantir l’équilibre vie privée et vie professionnelle avec la mise en place d’un droit d’alerte et une information des représentants du personnel.
- L’instauration de deux entretiens annuels obligatoires, et d’un entretien en cas de difficulté inhabituelle du salarié permettant un véritable suivi de la charge de travail du salarié respectant l’équilibre vie privée et vie professionnelle.
Les dispositions relatives au droit à la déconnexion contenues dans la loi El Khomri concernent les salariés du secteur privé. Toutefois, dans la fonction publique, certaines collectivités ont mis en place un système de droit à la déconnexion. Ainsi, la ville de Paris possède un « mode d’emploi à la déconnexion » qui définit par exemple à quel moment l’envoi d’e-mails est à éviter, les moments où les agents ne sont pas obligé de répondre…
Le droit à la déconnexion peut faire l’objet de sanctions lourdes. Ainsi, un conflit antérieur à la Loi s’est soldé par un arrêt de la Cour de cassation, en juillet 2018, qui a rappelé l’obligation pour une entreprise d’indemniser ses salariés contraints indûment de rester disponibles. Le salarié concerné a pu toucher un dédommagement de plus de 60 000 euros.